ENTRETIEN. Axel Tréhin, bluffé par son Class40 à étrave ronde : « Un changement de dimension »
Après trois participations à la Mini-Transat, dont une 2e place en proto en 2019, Axel Tréhin a fait une entrée remarquée dans le circuit des Class40. À bord d’un scow qu’il a en partie construit, il a récemment remporté la très relevée Normandy Channel Race, en double avec Frédéric Denis. Technicien hors pair, méticuleux, battant, Axel vise la victoire dans la Transat Jacques Vabre 2021 et la Route du Rhum 2022. À plus long terme, les tours du monde le font rêver. Entretien.
Voiles et Voiliers : Tu as récemment remporté la Normandy Channel Race avec Frédéric Denis. Première course, première victoire, difficile de faire mieux !
Axel Tréhin : Effectivement. C’est top, on ne boude pas notre plaisir. Il y avait 23 duos inscrits et un gros niveau. Nous sommes ravis que l’histoire du bateau en course débute de cette manière. La Normandy Channel Race est typiquement l’épreuve à rebondissements avec une sacrée bagarre, beaucoup de passages clés à négocier, des changements de leaders… Nous nous sommes préparés pour gagner et nous avons réussi. On ne veut surtout pas se croire trop beaux et se reposer sur nos acquis. Nous allons profiter de cette victoire pour retourner bosser avec application et sérieux pour continuer à progresser.
Voiles et Voiliers : Tu t’es énormément impliqué dans la construction de ce bateau. Cela fait aussi partie de l’histoire de ton Class40 Project Rescue Ocean…
Axel Tréhin : Oui, et c’est ce qui rend mon projet atypique. Je suis entré dans le milieu de la course au large en me formant à la construction navale puis en me spécialisant dans la mise en œuvre des matériaux composites. C’est grâce à ces capacités que j’ai pu participer à trois reprises à la Mini-Transat, dont une fois avec un bateau neuf que j’ai construit de A à Z (avec à la clé une 2e place en proto en 2019, NDR). Cet aspect technique fait partie de qui je suis. Cela avait du sens de continuer sur cette lancée, même en changeant d’échelle. Pour mon Class40, le maître d’œuvre a été le chantier JPS à la Trinité-sur-Mer, qui s’est occupé de la construction de la coque et du pont. De mon côté, dans mon petit atelier, j’ai réalisé tous les éléments de structure, les cloisons du bateau. J’ai ensuite rejoint les équipes du chantier JPS pour participer à l’assemblage et aux finitions.
C’était assez tentant de prendre une « rock star » comme co-skipper, pour faire de la com’ et apprendre plein de choses. Mais l’humain avant toute chose !
Voiles et Voiliers : L’année 2021 est axée sur la navigation en double. Pourquoi avoir choisi Frédéric Denis comme co-skipper ?
Axel Tréhin : Plusieurs raisons ont rendu ce choix cohérent et même évident. Déjà, avec Frédéric, j’ai l’assurance que tout va bien se passer humainement. Nous avons déjà navigué ensemble et nous sommes des amis proches à terre. Je suis par exemple le parrain de sa fille. Côté sportif, Fred est un excellent régatier. Il a remporté la Mini-Transat 2015 en proto et il a une expérience très intéressante sur des gros bateaux comme les Imoca et les Ultimes. C’est un expert de l’électronique embarquée et des pilotes automatiques. Je profite de l’avoir à mes côtés pour travailler sur la mise au point et l’optimisation de cette partie avant de me retrouver à bord en solitaire l’an prochain. C’était assez tentant de prendre une « rock star » comme co-skipper, pour faire de la com’ et apprendre plein de choses. Mais l’humain avant toute chose !
Voiles et Voiliers : En parlant de rock star, de grands marins ont embarqué sur ton Class40 : Thomas Coville, Vincent Riou, Kevin Escoffier, Nicolas Troussel… Tous sont revenus conquis !
Axel Tréhin : Nous avons mis le bateau à l’eau le 23 janvier, à une période où tous les autres étaient en chantier. Les marins étaient donc disponibles, avec une forte envie de naviguer. Nous avons reçu beaucoup de demandes pour venir faire un tour à bord. Le bateau plaît, en effet. Les Class40 ont franchi une grande marche en termes de performances avec l’apparition des scows. C’est un changement de dimension. Nous tenons des vitesses moyennes assez dingues. Ce concept attise la curiosité des skippers qui préparent le Vendée Globe.
On s’approche des performances d’Imoca qui ne sont pas si vieux que ça
Voiles et Voiliers : Ian Lipinski, qui dispose d’un sistership de ton bateau (Crédit Mutuel), ne se voit pas naviguer sur autre chose qu’un scow. Tu as le même raisonnement ?
Axel Tréhin : Il n’y a pas trop de questions à se poser. On constate que ces bateaux ont des avantages énormes au reaching et au portant dans la mer formée et le vent fort. On s’approche des performances d’Imoca qui ne sont pas si vieux que ça… Dans le vent faible, ils ont aussi des vitesses étonnantes et ne sont pas pris en défaut par les Class40 aux designs plus conventionnels. Cela donne envie de ne faire que du scow.
Voiles et Voiliers : Avec Fred Denis, à quelles courses allez-vous participer en 2021 ?
Axel Tréhin : Le 27 juin, nous prendrons le départ de l’épreuve Les Sables-Horta-Les Sables. En raison de la crise sanitaire, l’escale aux Açores est supprimée. Il y aura donc une seule grande étape de 2 500 milles qui permettra de se rapprocher du rythme d’une transatlantique. Ensuite, nous participerons à la Fastnet Race, puis à la Transat Jacques Vabre, qui est le grand objectif de l’année. Il y aura entre 40 et 50 Class40, ça va être une sacrée bataille, hyper excitante.
Voiles et Voiliers : La Route du Rhum 2022 sera également très relevée…
Axel Tréhin : La Class40 a demandé 70 places ! L’engouement pour la série est énorme. Je vais tout faire pour gagner la Transat Jacques Vabre et la Route du Rhum. Nous sommes nombreux à avoir cet objectif et pourtant il n’y a qu’une seule place de vainqueur. Si je ne finis pas dans le top 5 des deux courses, ce sera frustrant.
Nous essayons, autant que faire se peut, de transposer « l’esprit Mini » en Class40, même si les enjeux financiers rendent les choses un peu différentes
Voiles et Voiliers : La Class40 semble en adéquation avec ton état esprit et tes envies du moment. Tu confirmes ?
Axel Tréhin : Oui, j’aime l’idée de faire les choses simplement et de façon accessible pour tout le monde. Ce n’est pas un hasard si on retrouve beaucoup d’anciens de la classe Mini sur ce circuit. Nous essayons, autant que faire se peut, de transposer « l’esprit Mini » en Class40, même si les enjeux financiers rendent les choses un peu différentes. Nous vivons des beaux moments de complicité à terre. Les Class40 sont aussi de très bons supports pour partager nos aventures, ce qui est aussi la clé de notre épanouissement. C’est enfin un bel outil pour porter les valeurs et le message de l’association Project Rescue Ocean, qui s’engage pour la sauvegarde du milieu marin. Les partenaires de notre projet se rassemblent autour de cette cause.
Voiles et Voiliers : Il te manque d’ailleurs un dernier grand partenaire pour boucler ton budget…
Axel Tréhin : Oui, nous avons déjà deux partenaires principaux. Nous en cherchons un troisième pour finir de professionnaliser le projet et être en cohérence avec nos ambitions. Cela représente 300 000 euros jusqu’en juin 2023.
Voiles et Voiliers : Quels sont tes rêves à long terme ?
Axel Tréhin : Naviguer autour du monde. Des projets se montent en Class40 et The Race Around est celui qui me tente le plus car il se rapproche du parcours historique. Il y aura moins d’escales, donc moins de logistique. L’idéal serait de faire ce tour du monde en Class40 pour repérer le parcours, puis de lancer un projet en Imoca pour le Vendée Globe 2028. J’aurai alors 40 ans, un âge idéal pour se lancer ce défi. Mais pas de précipitation. Mon but est de travailler méthodiquement, de ne pas griller les étapes. Les idées se construiront concrètement petit à petit.
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