Bonjour à tous,
C'est peu dire que depuis mon dernier message, j'ai quelques belles choses à vous raconter... On commence par de sincères excuses : j'espère que vous me pardonnerez ce silence un peu trop prolongé à mon goût, mais les dernières semaines ont été pour le moins chargées. Il est grand temps de rattraper le retard !
Astuce beauté : pour recouvrir vos cernes, optez pour l'Xtrem gloss Jotun !
D'abord, il a fallu fortement augmenter la cadence au chantier pour espérer pouvoir courir cette année : la course phare de la saison, les Sables-les Açores-les Sables, part le 22 juillet. Or pour me qualifier et qualifier le bateau, il fallait que je finisse deux courses au préalable : le trophée Marie-Agnès Peron, qui partait le 14 juin de Douarnenez, et le Mini-Fastnet, une course en double partant une semaine plus tard. Les contrôles de jauge et de sécurité à satisfaire avant la participation aux courses m'imposaient de mettre à l'eau au plus tard le 10 juin. Sachant que début mai, le bateau n'était encore pas peint, je vous laisse faire le calcul...
Je vous épargnerai donc la couleur de mes cernes, le nombre de nuits blanches et d'épisodes tachycardiques à la seule vision du temps qui passe beaucoup trop vite... J'en profite surtout pour remercier les nombreux coups de mains que j'ai reçus dans cette dernière ligne droite, et sans qui le 945 serait encore loin de goûter aux joies aquatiques !
La fusée dans son pas de tir ! Houston, on n'a pas de problème...
Car oui, ma petite coque de noix en a fini avec l'anonymat ! Je suis très heureux de ce numéro, puisque c'est un joli clin d'œil à mon histoire avec la Classe Mini. Ce chiffre est en effet la somme du 229 – mon premier proto sur lequel j'ai découvert la bricole et le goût du large – et le 716 – qui m'a appris la joie des chantiers millimétrés et des podiums ! Un bon résumé de ce qui m'a poussé à me lancer dans la construction d'un nouveau prototype... Pour l'anecdote, c'est également la somme de 198 et 747, numéros attribués par la Classe Mini à deux bateaux ayant révolutionné l'approche de la conception des minis en leur temps... sans aucune prétention mais avec beaucoup de passion, je ne peux m'empêcher de souhaiter un aussi beau destin à mon bateau !
Je reviendrai bientôt plus longuement sur ces dernières étapes de la construction (vous n'en avez pas fini avec les tutos !), mais en bref mon compteur personnel s'est finalement arrêté à 3 292 heures de chantier en quinze mois de travail, soit une moyenne de plus de 50h/semaine pendant 66 semaines consécutives... Et tant qu'on y est dans les chiffres, on peut préciser que j'y ai laissé treize kilos, plus de 100 kilos de résine et pas mal de rouleaux de carbone...
C'est finalement le samedi 9 juin que mon petit bateau, baptisé Tartine, a fait ses premiers pas hors du hangar, avant de gagner l'élément liquide. Une mise à l'eau en douceur et un accueil toujours aussi chaleureux et sympathique à Douarnenez, où j'ai pu rapidement constater que non seulement Tartine flotte, mais qu'en plus il avance. En fin de journée, nous sortions une première fois en mer !
Une Tartine à la mer ! Photo : Simon Jourdan
Bien sûr, la liste des bricoles à réaliser était encore longue et les quelques jours disponibles avant le départ ont été eux aussi intenses pour que le bateau soit le plus prêt possible.
En prenant le départ du trophée Marie-Agnès Peron, mon seul objectif était de finir la course pour commencer à valider ma qualification à la grande course de cet été qui nous emmènera aux Açores... Mode découverte en douceur donc, ne pas confondre vitesse et précipitation !
Une Tartine jaugée retombe toujours du bon côté... Photo : Guilhem Dombrowsky et Simon Jourdan
J'approche la ligne de départ prudemment en évitant la zone où la densité de concurrents est la plus importante, on ira se battre avec les copains quand le matériel aura été validé... Une décision sage quand à quelques secondes du top départ, je borde ma grand voile et voit les accroches de mon rail de chariot de grand voile s'arracher ! Première réaction, "t'es trop c** !"... Effectivement avec 2 secondes de recul, l'assemblage que j'avais réalisé paraît vraiment beaucoup trop léger...
Les premiers milles de la course sont donc consacrés au bricolage, pour changer ! Je concocte une solution de secours à base de bout en dyneema (= ficelle très solide), ce n'est pas génial en terme de performance puisque me voilà privé d'un réglage primordial sur ces petits bateaux mais je suis confiant sur le fait que ça tiendra pour les 48 h de course !
Je me remets en mode régate, la sortie de la baie de Douarnenez au près dans un petit vent d'ouest et sur une mer pas trop chaotique est assez agréable, d'autant que je constate rapidement que le bateau est très à l'aise à cette allure, me retrouvant dans les 10 premiers bateaux au moment de passer le Raz de Sein !
Arrivé en baie d'Audierne, je choisis de profiter du fait que le bateau glisse tout seul sous spi pour faire une petite inspection de routine à l'intérieur du bateau. Inspection de courte durée puisque quelques secondes après être entré dans le bateau, je reconnais le bruit caractéristique du moteur de vérin de pilote automatique qui grille... Retour sur le pont barre à la main, vérin de pilote démonté sur les genoux je ne peux que constater que je n'ai pas à bord de quoi régler le problème.
Vous aussi, la fatigue vous donne des hallucinations visuelles ? Photo : Guilhem Dombrowsky et Simon Jourdan
Hors de question d'abandonner pour autant, je ne peux pas me résoudre à faire une croix sur cette belle récompense que peut être la régate vers les Açores du mois de juillet... Par "chance", le trophée MAP est une régate "courte", avec de nombreuses bouées à contourner et donc un rythme intense, et je commence à connaître un peu le coin. Résultat : quarante-huit heures à la barre non stop, ou presque !
La régate jusqu'au sud de l'ïle de Groix sera très plaisante, malgré mes soucis j'arrive là-bas en 4e position et même si le trio de tête a pris la poudre d'escampette, mon bateau a l'air de démontrer un sacré potentiel ! Le retour vers Douarnenez via l'Occidentale de Sein sera nettement plus compliqué, la fatigue du début de course mais surtout de la fin de chantier me tombe dessus et j'essaye tant bien que mal de trouver des solutions pour me reposer un peu, le vent est mou sur la fin de parcours et cela peut durer un peu...
Quelques phases d'arrêt, quelques tours sur moi-même et quelques hallucinations auditives et visuelles plus tard, j'arrive tout heureux au port de Tréboul, une bonne chose de faite !
J'avoue qu'après quinze mois à le bichonner, la complicité avec mon bateau est plutôt développée. Mais à l'arrivée sur le ponton, j'étais quand même content de m'éloigner un peu de ce bambin exigeant refusant que je lui lâche la main !
L'émotion des premiers ronds dans l'eau... Merci à Fred et Ben les bienveillants tontons de la Tartine !
Le résultat final (8e) n'est pas à la hauteur du potentiel du bateau, j'ai clairement manqué de lucidité dans mes choix de trajectoire et n'était pas à 100% de la vitesse du bateau sur cette deuxième partie de course, mais j'ai quand même pu prendre beaucoup de plaisir - ne serait-ce que parce que je respirais pour la première fois depuis un bout de temps l'air iodé du large... D'ailleurs, des esprits narquois ont pris un malin plaisir à noter que ma peau a vaguement accusé le coup sous le soleil breton...
Le marathon ne s'arrête pas là, ce serait trop facile ! Quelques jours plus tard le Mini Fastnet débute, cette course de 600 milles jusqu'au célèbre phare irlandais. Heureusement, je vais pouvoir compter sur une recrue de choix pour cette course en double, puisque c'est mon ami Frédéric Denis (vainqueur de la Mini-Transat 2015), qui s'est laissé embarqué pour venir voir d'un peu plus près ce que Tartine a dans le ventre ! Compte-rendu de la course très prochainement...
A bientôt, et merci encore de suivre mes aventures !
Départ du MAP, départ du Fastnet... C'est parti pour une saison de courses ! Photo : Christophe Breschi et Simon Jourdan